La Bhagavad Gita : le texte phare de la philosophie du yoga
Le chant du bienheureux ! DÉCOUVREZ CETTE OEUVRE INCONTOURNABLE DU YOGA
La BhagavadGita est une histoire, un poème, un texte qui est parfois qualifié de texte sacré pour certains groupes. C’est une histoire dans l’histoire puisqu’elle constitue le sixième chapitre du Mahabharata, une grande épopée de l’hindouisme. C’est aussi un dialogue entre Krishna et Arjuna. Enfin c’est un texte difficile à qualifier car il peut être catégorisé en plusieurs choses.
Retrouvez dans cet article :
Contexte historique de la BhaGavadGita
- Georg Feuerstein a divisé l’histoire de la philosophie du yoga en 9 périodes. Selon sa chronologie, il va placer la Bhagavad Gita dans la période qu’il appelle « épique » ou « pré-classique ». « Pré-classique », car c’est à la période « Classique » que l’on retrouve les yoga Sutra de Patanjali. Et « épique » car c’est à cette époque qu’on voir apparaître les deux grandes épopées de l’hindouisme que sont le Ramayana et le Mahabharata.
- On peut placer la Bhagavad Gita, petite partie du Mahabharata, mais considérée comme un texte à part entière, entre le 3ème et le 2ème siècle avant notre ère selon Georg Feuerstein.
- Il est difficile à placer historiquement notamment du fait de la tradition orale depuis les Védas. Les Védas étaient transmis oralement par les Rishis, et les Upanishads poursuivent cette tradition orale. Le Mahabharata va faire partie de ces épopées, et s’inscrit aussi dans une tradition orale.
- La Bhagavad Gita va naître dans un contexte très riche d’échanges culturels et de questionnements. De nombreuses questions philosophiques se posent à cette époque très riche depuis les Upanishads, car on commence à critiquer ce qu’il se passe dans la culture védique, dans ces rituels de feu, qui sont notamment menés par la classe sacerdotale (la classe des brahmanes).
- Dans la Bhagavad Gita on va voir l’influence de ces textes que l’on appelle les Upanishads. Le style des Védas est très affirmatif, comme des hymnes, alors qu’à partir de la période des Upanishads, on va rentrer dans un style de dialogue. C’est donc le cas aussi pour la Bhagavad Gita qui est un dialogue entre deux personnages que sont Krishna et Arjuna.
- D’autre part, il y a aussi l’influence des Upanishads, car comme dans certains Upanishads, la Bhagavad Gita va critiquer certains aspects de la culture sacerdotale, qui est pour le rite et le sacrifice.
- A cette période là, il se passe aussi autre chose : la voie de la renonciation devient de plus en plus populaire. Car, dans la logique hindoue, on va avoir ce cycle de renaissance qui est le Saṃsāra, qui va être lié à nos actions. Il est lié au Karma et aux fruits de nos actions.
La voie de la renonciation : Une des réponses pour arrêter ce cycle de renaissances, et donc les effets du Karma, va être arrêter d’agir, l’inaction. On va voir assez rapidement dans la Bhagavad Gita un dialogue qui va questionner cela et va clairement dire que ce n’est pas dans l’inaction que l’on va atteindre la libération du Saṃsāra.
- Un autre élément important, qui va énormément avoir d’impact sur les interprétations et les traductions d’après : quand la Bhagavad Gita apparaît, c’est aussi dans un contexte où les écoles philosophiques orthodoxes de l’hindouisme, et ce qu’on appellera plus tard les Darshanas (visions du monde) ne sont pas encore cristallisées. Plein de choses sont en cours, mais il n’y a rien de définitif qui est classifié. Cela est très important parce que, plus tard, dans la traduction et l’interprétation qu’on peut faire de la Bhagavad Gita, et en fonction de la personne qui traduit, on pourra interpréter la Bhagavad Gita selon une tradition ou selon une autre. Du coup cela va provoquer différentes conclusions et on va arriver à des visions qui sont parfois opposées.
- Comme on l’a vu plus tôt, la Bhagavad Gita fait partie de la Mahabharata, dont elle est le sixième chapitre. Au sein de la Bhagavad Gita, on retrouve 18 chapitres. Ce qui n’est pas une coïncidence : le chiffre 18 est un chiffre sacré, qui a une importance dans les traditions hindoues.
Que signifie la BhagavadGita ?
- Gita signifie “chant”
- Bhagavad provient de la racine bhaj. Celle-ci se traduit comme “donner un partage”, “redistribuer”, “recevoir”. Bhagavant est le participe présent de bhaj et définit un Dieu suprême qui a cette nature de partage. On fait allusion à un Dieu qui serait Suprême, car il offre sa nature gracieuse et bienveillante.
- Souvent, quand on parle de la Bhagavad Gita, on va rencontrer ce titre : « Le chant du Bienheureux ». On désigne ce bienheureux qui va être un personnage clé de la Bhagavad Gita : Krishna.
L’histoire de la Bhagavad Gita
On se trouve à un moment dans le Mahabharata, cette grande épopée de l’hindouisme, à un moment où il y a une bataille qui est clé. Cette bataille oppose le Bien et le Mal.
À la veille de cette grande bataille, où le destin de l’univers est en jeu, Arjuna, un guerrier qui fait partie du “camp du bien”, va observer ce qui se passe devant le champ de bataille. Il va demander à son cocher et ami Krishna de l’amener au centre, entre les deux camps.
Krishna, était un bon cocher et un bon ami, il l’emmène au centre. Et là, Arjuna va s’apercevoir que son ennemi, ou en tout cas les personnes qu’il va tuer pendant la bataille, sont sa famille, ses anciens amis, ses anciens maîtres et ses cousins. Arjuna, à ce moment-là vit un dilemme qui est très profond, et qui va être lié à ses Dharma.
Arjuna va être pris de panique tellement il est dans un dilemme existentiel. Il va dire à Krishna qu’il n’est pas capable de se battre, que ça lui est impossible. Krishna lui répond que si, il faut qu’il se batte et lui explique pourquoi.
Krishna se lance alors dans un traité philosophique, en commençant à lui parler de l’existence de notre nature humaine, de pourquoi exister, de notre devoir dans ce monde…
Il va vraiment partir dans un débat très philosophique, et c’est ce dialogue là qui va donner naissance à la Bhagavad Gita. C’est vraiment le dialogue de Krishna qui essaie de convaincre Arjuna de se battre.
Les trois concepts clés
Passons aux trois concepts qui sont clés, selon Laura, pour comprendre la Bhagavad Gita.
Selon Laura, il est toujours important d’aborder ce genre de textes dans leur contexte historique, et dans leur sens premier. Même s’il sera toujours difficile pour nous de saisir son vrai sens, n’étant ni de la même époque, ni de la même culture que ce texte. Ensuite, l’idée est de se l’approprier et de nous en faire notre propre idée. Seulement après, on peut essayer de l’interpréter, de le commenter et de l’adapter à notre vie moderne.
Les trois concepts suivants nous aident à comprendre le sens historique de ce texte.
La notion de Dharma
Dharma est cette notion de devoir, mais pas que. Dharma est probablement un des mots les plus difficiles à traduire. Pour Scott Fitzgerald, qui a traduit le Mahabharata, c’était vraiment le mot le plus difficile à traduire de la langue sanskrite. Car cela évoque le sens du devoir, mais aussi d’un point de vue moral (ou religieux dans certains contextes), ce qui est correct. Donc il y a aussi ce sens de la droiture.
Dans ce texte-là, Arjuna est un guerrier, qui fait partie de la classe des guerriers. Son devoir est donc de se battre, et il le sait car il a déjà participé à des combats. Mais ce qui est particulier cette fois-ci, c’est qu’il va affronter sa famille. Or, la famille est un autre type de Dharma. Pour lui, il y a un dilemme entre son Dharma de guerrier et son Dharma de “rôle familial”.
La notion de Karma
- Dans cette notion de Karma, il y a le mot karma, qui signifie littéralement « l’action ».
- Il y a aussi cette notion du cycle des renaissances.
- Cette notion du Karma qui génère des fruits qui sont bons ou mauvais.
- Le Karma va être cumulé : on fait des choses dans cette vie qui vont se retranscrire dans nos prochaines vies, ce qui fait qu’on est esclaves de notre cycle de renaissance.
- Il y a ce Karma que l’on accumule depuis des vies passées, et le Karma que l’on est en train de générer dans notre vie actuelle.
Dans cette vision-là, Arjuna est confronté à ce dilemme de vouloir se battre (donc agir), ou ne pas vouloir se battre (ne pas agir). Il se demande donc quelle est la meilleure voie : l’action ou la non-action.
Le Karma est un des sujets les plus importants que va aborder Krishna, surtout quand on comprend le contexte de la popularité de la voie de la renonciation.
La notion de l’Atman
- L’Atman est un concept qui va être défini par les Upanishads, pour répondre à la question « Que se passe-t-il après la mort? » ou « Qui suis-je vraiment? ».
- L’Atman va être une essence unique, au sens des Upanishads, qui se retrouverait à l’intérieur de tous les êtres vivants. La particularité de l’Atman dans la Bhagavad Gita, c’est que en sanskrit il n’y a pas de majuscules. Donc quand on parle d’Atman on se réfère au soi. Lorsqu’on se réfère au soi, on peut se référer au « moi », ou alors au Soi qui fait référence à la notion d’Atman au sens des Upanishads. On voit bien que déjà au niveau de l’interprétation, il faut se questionner si on se réfère au Atman Upanishadique, ou au Atman tout court (moi).
Cette essence du Soi sera le premier argument de Krishna pour dire à Arjuna qu’il n’a rien compris à la question. Car s’il ne veut pas tuer ces personnes, c’est qu’il n’a rien compris à la réalité. En effet, il n’est pas réellement en train de les tuer. Car l’Atman est une essence universelle, immortelle et intemporelle. Donc même s’il tue des corps, leur essence est éternelle.
Krishna part de cet argument pour ensuite lui parler de ce qu’il devrait faire.
Et le yoga dans tout ça?
Même si on pourrait se dire qu’il ne s’agit que d’une histoire, la Bhagavad Gita est un texte de yoga. Ne serait-ce pour le fait que plus de 20% du texte va contenir le mot yoga ou un de ses dérivés.
Donc on voit bien que c’est un texte qui nous parle de yoga. Pour préciser, quand on parle ici de yoga, on applique plutôt la définition de yoga comme un chemin, une voie.
Krishna, qui est professeur, va nous montrer plusieurs voies du yoga, plusieurs chemins pour agir.
Découvrez en plus sur l’histoire du yoga.
Parmi ces voies du yoga (ce n’est pas exclusif) il y a :
- Le Karma qui est le yoga de l’action : il va former l’argumentaire de Krishna pour dire à Arjuna qu’il vaut mieux agir que non agir. C’est là que Krishna va introduire une notion qui est très importante : celle d’agir sans en attendre les résultats.
- Le Jnana qui est le yoga de la connaissance. Celle-ci n’est pas intellectuelle : c’est plutôt la connaissance de la réalité.
- Le Bakhti qui est la voie de la dévotion. Celle-ci est vraiment très importante dans ce texte car elle change la donne : avec cette voie, Krishna enlève les intermédiaires qui nous permettaient de rentrer en contact avec les divinités et le Dieu Suprême. Jusqu’alors, ce Dieu Suprême n’était accessible que par les brahmanes. Mais il deviendra accessible à tous si on emprunte cette voie du Bhakti. On comprend ici l’influence énorme qu’a eu la Bhagavad Gita.
La sélection de livres de Laura
C’est un texte qui se prête à beaucoup d’interprétations. D’une part par son contexte historique, en fonction de la traduction, en fonction de la tradition dans laquelle on va lire et interpréter la Bhagavad Gita.
Cela résulte en des conclusions légèrement différentes. Pour Laura, le choix de la traduction est important quand on veut lire cet ouvrage. Retrouvez en librairie :
- « Bhagavad Gita » de Stephen Mitchell qui a traduit du sanskrit à l’anglais. Son livre a été traduit de l’anglais français par Aurélien Clause et Pierre Mallet. C’est la version préférée de Laura, très fluide à lire car il n’y a pas de commentaires après chaque vers. C’est l’occasion de lire le texte d’une traite et de pouvoir philosopher dessus, sans être dans un premier temps influencé par une personne.
- « La Bhagavad Gita ou le grand chant de l’Unité », commenté par Gisèle Siguier-Sauné. Cette version est très intéressante également.
- « La Bhagavad Gita ou l’art d’agir » de Poggi Colette : Cet ouvrage offre une interprétation plus moderne, qui va décortiquer le texte et en proposer une interprétation très au goût du jour avec de belles illustrations.
- Pour les anglophones : « Bhagavad Gita: The Beloved Lord’s Secret Love Song » de Graham M. Schweig’s
- Pour les anglophones également : « The essence of the Bhagavad Gita » de Kriyananda et Paramahansa Yogananda, qui est une version contemporaine.
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Retour sur le dixième enseignement “Lumière sur la philosophie du Yoga” de l’Académie Yogom. Laura Arley nous éclaire sur la Bhagavad Gita. Elle nous explique pourquoi ce texte est d’une grande importance dans l’histoire du Yoga, et nous parle du contexte historique dans lequel ce texte apparaît.
QUI EST LAURA ?
Laura Arley est professeur en vinyasa, yin yoga, restorative et yoga pour seniors à Toulouse et en ligne. Laura est également professeur en philosophie du yoga.