Les causes de la Souffrance en Yoga : les Kleshas
Philosophie du Yoga et Souffrance
Retour sur le neuvième Live “Lumière sur la Philosophie du Yoga” avec un éclairage sur les élèments fondateurs de la Souffrance de philosophie du Yoga : les kleshas. Vincent nous présente notamment les cinq causes de la souffrance appelés Klesha, et quelles sont leurs antidotes.
1. Les Kleshas : la souffrance
2. Pourquoi est-ce important d’étudier la souffrance au travers des Kleshas ?
3. Les causes de la souffrance : les Kleshas
4. Questions / Réponses sur la souffrance
5. Les remèdes à la souffrance
Les Kleshas : la souffrance
Vincent nous parle d’un sujet que beaucoup expérimentent à différents niveaux : la souffrance. En sanskrit (la langue indienne), la souffrance est appelée dukkha. Mais cela peut aussi être interprété sous la forme de l’insatisfaction : l’être qui est continuellement insatisfait.
Vincent pense que ce sentiment d’insatisfaction est éprouvé par beaucoup d’entre nous : Par exemple lorsque de célibataire on souhaite passer en coupe, lorsqu’on souhaite changer un travail pour un autre travail. Et une fois qu’on a obtenu cette nouvelle situation, le mental, continuellement insatisfait, désire autre chose.
LE PREMIER ENSEIGNEMENT DU BOUDDHA
Outre le fait que la souffrance est aujourd’hui un véritable sujet d’actualité, avec la crise du covid que l’on traverse, c’est un sujet extrêmement important que ce soit dans le yoga ou dans le bouddhisme. D’ailleurs cela correspond au premier enseignement du Bouddha. En effet, son premier sermon a eu lieu à Sarnath, à côté de Bénarès (ou Varanasi), qui est la ville la plus sacrée de l’Inde. Bouddha y a exprimé les quatre nobles vérités. Et la première des vérités est celle de la souffrance.
On voit bien que ce soit dans le yoga ou dans le bouddhisme, la notion de tourment est très importante.
Pourquoi est-ce important d’étudier les kleshas ?
Dans les précédents enseignements, on a vu que le yoga c’est avant tout un processus de raffinement afin d’éliminer nos blocages, nos peurs, nos croyances. La finalité du yoga est Moksha : la libération, qui est l’arrêt des agitations et des perturbations du mental.
Mais pour se libérer de nos souffrances, la première étape quelque part c’est de reconnaître qu’il y a tourment, et d’en étudier les fondements. Même si chez nous parfois, en Occident, on a du mal à parler de la douleur. La première étape est vraiment de la reconnaître, parce que s’il n’y a pas de douleur, il n’y a pas de libération possible.
La difficulté à accepter la souffrance
On a du mal à parler de la souffrance aussi parce qu’aujourd’hui on développe une certaine culture du paraître, à travers par exemple les réseaux sociaux, et on rentre dans ce que Vincent appelle une course au bonheur. Et cela on peut le vivre, par exemple, si on se rend chez un ami et que l’on sait que tout se passe merveilleusement bien pour cette personne. Si cet ami nous pose la question de comment nous allons, on va être tenté de lui dire que tout va bien aussi pour nous, même si c’est le chaos dans notre vie ou notre mental.
Il nous est difficile d’accepter de ne pas bien aller, alors que ce n’est pas grave : on a le droit de souffrir. Il faut au contraire se féliciter d’en prendre conscience, car cela permet de démarrer un chemin. Si on ne reconnaît pas le tourment, c’est difficile de démarrer le chemin de la libération.
Le bonheur se trouve à l’intérieur
Quelque part, on aspire tous au bonheur. On mène tous cette quête du bonheur et cela nous amène à un élément essentiel : le bonheur se trouve à l’intérieur. Il ne se trouve pas dans des conditions extérieures.
Dans notre société, on développe ce que Vincent définit par le bonheur matérialiste. Il nous faut abandonner l’idée que le bonheur se trouve dans des conditions extérieures, et réaliser que le bonheur se trouve en fait là, tout simplement à l’intérieur de nous.
Pour faire le lien avec ce que Vincent nous a expliqué la dernière fois sur le cheminement complet des huit membres du yoga de Patanjali : Vincent nous avait dit que le yoga, c’est devenir son propre thérapeute. Personne ne peut faire ce travail à part nous mêmes.
Les causes de la souffrance : les kleshas
VICTIMES DE NOS ÉMOTIONS
Vincent fait un lien avec un autre livre qui ne relève pas du yoga ou du bouddhisme : Les quatre accords toltèques du chaman Don Miguel Ruiz. Vincent a relevé trois phrases :
« La première étape consiste à prendre conscience du brouillard qui obscurci votre esprit ».
La première étape est donc d’en prendre conscience.
« Chaque jour on se réveille avec une certaine quantité d’énergie mentale, émotionnelle ou physique que l’on dépense au cours de la journée. Si nous laissons nos émotions nous vider de cette énergie, il ne nous en reste plus pour changer notre existence ou pour en donner aux autres. Votre façon de voir le monde dépendra des émotions que vous ressentez »
Là on est vraiment dans cette notion que l’on crée notre propre réalité. Ce qui compte le plus, c’est de regarder à l’intérieur.
« Le problème de la plupart des gens c’est qu’ils perdent le contrôle de leurs émotions. Ce sont les émotions qui contrôlent le comportement des humains et non les humains qui maîtrisent les émotions.»
Selon Vincent, ici tout est dit. Il nous expliquait dans sa toute première intervention que le reflet de l’univers est ni plus ni moins le reflet de notre chaos mental.
Les Kleshas :
- On trouve dans les Yoga Sutras de Patanjali les cinq Kleshas.
- Les cinq Kleshas sont définies par Patanjali comme les causes de la souffrance
- Klesha peut être définit par affliction
- Ces cinq Kleshas relèvent de notre état émotionnel
Vincent nous cite le sutra n°3 du chapitre 2.
« Les causes de la souffrance sont l’aveuglement, le sentiment de l’égo, le désir de prendre ,le refus d’accepter, l’attachement à la vie »
On peut traduire cela sous cinq formes :
- Avidya : l’ignorance
- Asmitā : le sens du « je », l’égo
- Rāga : le désir, l’attachement
- Dvesha : aversion, colère
- Abhinivesha : la peur de la mort, l’attachement à la vie
Premier Klesha : Avidya, l’ignorance
Avidya est le premier Klesha et le plus important à comprendre. On nous dit dans les textes sacrés (sutra n°4 du chapitre 2) :
« L’ignorance de la réalité est la source des autres causes de souffrances, qu’elles soient développées ou en sommeil. »
C’est-à–dire que l’ignorance est la racine de tous les tourments. Encore une fois, c’est la même chose que ce soit dans le yoga ou dans le bouddhisme. Quand on parle d’ignorance, on parle de de la confusion fondamentale: on parle de l’aveuglement de la vraie entité de la vérité.
C’est ce que Vincent nous avait expliqué à travers le concept de Maya qui est l’illusion cosmique. L’idée de la réalisation du soi c’est d’aller au-delà de Maya, l’illusion cosmique. C’est de devenir notre véritable nature.
Il y a plusieurs caractéristiques à cet aveuglement et incapacité, dont une qui est extrêmement importante : l’impermanence. C’est le fait que toute chose, tout phénomène change à chaque instant. Ce qui est important de comprendre, c’est que ce n’est pas le changement en lui–même qui est tourment. Mais c’est notre désir à ce que les choses qu’on aime perdurent qui nous crée de la douleur, et l’angoisse de perdre ce que l’on désire.
Une autre notion importante à comprendre dans ce Klesha est l’interdépendance.
L’interdépendance est cette notion qu’on est reliés au Tout. C’est l’idée que l’on existe pas réellement de façon indépendante, comme l’individualité le voudrait quelque part.
Sutra n°5 du chapitre 2 :
« L‘ignorance de la réalité, c’est prendre l’impermanent, l’impur, le malheur, ce qui ce qui n’est pas le soi, pour le permanent, le pur, le bonheur et le soi. »
Second Klesha : Asmitā, le sens du « je »
Asmitā correspond à l’égo, au sens du « je ».
Le travail du yoga justement, est de se désidentifier de ce “je”. Car c’est lui qui souffre réellement.
Vincent dit souvent qu’aujourd’hui on est essentiellement guidés par le “je”. On peut regarder tout ce qui se passe dans l’Univers, que ce soit les guerres, la conquête de l’espace… Tout ça est ni plus ni moins des guerres ou des envies d’égo.
Vincent considère que le “je” est un véritable poison dans la société d’aujourd’hui. Car il mène à toutes les disparités, toutes les inégalités, toute cette violence.
Troisième Klesha : Rāga, désir, l’attachement
Rāga fait référence au désir et à l’attachement. On parle de désir au sens de soif de plaisirs des sens. C’est le le fait de vouloir toujours plus, d’être continuellement insatisfaits. Comme on souhaite toujours plus, le désir va être créateur d’attentes, et les attentes peuvent être créatrices d’attaches, etc.
Pour se libérer du désir et de l’attachement dans notre quotidien, Vincent nous conseille de remplacer le mot « désir » par le mot « souhait » qui n’a pas du tout la même connotation.
Il est également important de différencier l’amour et l’attachement. Ce sont des notions complètement opposées en philosophie du Yoga.
Par exemple au sein d’un couple, l’attachement va venir du “je”. Il sera « Rend moi heureux, j’ai besoin de toi pour être heureux ». À contrario, l’amour, va être « Je te rends heureux », la motivation n’est pas du tout la même.
Bien sûr, on a tous des attachements, mais l’idée est de travailler sur ce détachement là et de cultiver l’amour véritable.
Quatrième Klesha : Dvesha, l’aversion, la colère
Dvesha représente l’hostilté et la colère.
C’est le fait de ne pas vouloir rencontrer ce qui va nous apporter de lu tourment.
La colère est expérimentée par tous, et celle-ci est comme un poison pour l’âme. Elle peut nous mener dans de l’agressivité, dans de la violence, qu’elle soit physique, mentale ou verbale. La violence mentale peut exister par exemple au sein d’un couple : le fait de vouloir que l’autre soit tel que l’on voudrait, et pas elle-même.
Cinquième Klesha : Abhinivesha
La peur de la mort, l’attachement à la vie
Abhinivesha fait référence à la soif d’exister. Cette angoisse de la mort est aussi la racine de toutes nos peurs.
Les cinq Kleshas sont sources d’émotions perturbatrices
Ces cinq Kleshas vont venir déclencher d’autres émotions perturbatrices. Par exemple de l’agressivité, du dépit, de la jalousie, de la cruauté, de l’inattention, de la suffisance, de la malhonnêteté, du manque de respect et de considération par rapport à l’autre, d’un manque de conscience etc…
Sachant que l’ego a quelque part une place prédominante dans les origines de la douleur.
Le premier travail est donc de réaliser que l’on crée sa propre réalité, et que le bonheur se trouve à l’intérieur. Il faut reconnaître ensuite la souffrance que l’on vit et étudier ses déclencheurs. Ensuite, on peut travailler sur ces émotions perturbatrices, pour qu’elles n’affectent plus notre vie.
Questions / Réponses sur la souffrance
Est-ce que la peur peut faire souffrir?
Le fait d’avoir de la crainte nous engendre du tourment. La panique et la colère sont deux émotions perturbatrices qui vont nous engendrer quoi qu’il arrive de la souffrance. Par exemple, avec la crise actuelle, beaucoup de personnes souffrent d’angoisse de mourir. Et la colère, quant à elle, nous l’avons tous expérimentée, ne peut être source de joie.
Comment faire pour identifier les fondements de notre souffrance ?
La première étape, comme on l’a vu, est de reconnaître qu’il y a souffrance. C’est être capable de ne pas se mentir à soi même et constater que nous souffrons. La deuxième étape c’est d’arriver à identifier les élèments fondateurs du malaise à travers l’introspection. Par exemple à travers la pratique du yoga et de la méditation. On peut méditer sur ce qui nous fait souffrir, qu’est ce qui nous rend insatisfaits. Il s’agit de se questionner sur pourquoi on ressent cette émotion d’insatisfaction : est-ce qu’on se compare trop aux autres, est-ce qu’on se fixe de trop gros objectifs, où se situe notre individualité etc.
Est-ce que la souffrance est due à un manque de reliance ?
Si on parle du mot reliance dans le sens de d’être relié à soi, alors oui. Parce que le premier klesha de l’ignorance, Avidya, c’est cet état continu de confusion fondamentale. C’est croire que le monde est tel qu’on le perçoit, alors que ce n’est pas la vraie nature de la réalité. On accède à la vraie entité de la réalité en se connectant à son véritable soi, qui est félicité, lumière, pure conscience. C’est unifier Atman (l’âme individuelle) avec Brahman (le Tout, le Cosmos, la Réalité ultime). Il est important de comprendre que Atman c’est ni plus ni moins le reflet de Brahman qui est en nous. C‘est cette notion de microcosme et de macrocosme : c’est-à-dire que Atman et Brahman sont la même chose.
Les remèdes à la souffrance
On peut se référer aux huit membres du Raja-Yoga. Ce processus nous permet la réalisation suprême et l’élévation de la conscience, étape par étape, à travers l’état supra-conscient qui est le Samadhi.
Mais il faut surtout travailler sur le lâcher prise et la prise de recul. C’est-à-dire voir au-delà de notre “moi”. Aujourd’hui, l’atmosphère mentale générale n’est pas une atmosphère propice à la joie. Mais on peut tout de même prendre du recul et éprouver de la gratitude pour le fait qu’on ai à boire ou à manger, par exemple.
On peut aussi développer l’altruisme et la compassion. Vincent nous donne un exemple tout simple : venir en aide à un individu en difficulté sur le bord de la route, même si on ne connaît pas cet individu.
Une autre piste est de travailler l’acceptation de ce qui est. C’est l’une des choses les plus difficiles de travailler l’acceptation et le pardon. Ce sont néanmoins des remèdes à la douleur. Car ce qui nous fait souffrir est le fait que les choses ne soient pas telles que l’on voudrait qu’elles soient.
Il faut accueillir cette épreuve, puisque c’est en la reconnaissant qu’elle nous permet d’avancer sur le chemin.
Cultiver l’amour de soi qui est extrêmement important, et aussi l’amour de l’autre, la paix, la joie intérieure, la bienveillance, le contentement. Et cela toujours avec une intention pure et une motivation pure.
Vincent répète souvent que développer ces qualités que l’on vient de décrire nous apportera beaucoup plus dans notre vie que de réussir le grand écart. Selon lui, c’est important de comprendre que la finalité du yoga est avant tout de cultiver l’amour. Toutes les inégalités et disparités que l’on connaît sur la planète traduisent ni plus ni moins un manque d’amour.
Le Yoga c’est avant tout l’art d’aimer et de développer ses qualités d’amour et d’attention.
Chacun trouve ses propres méthodes
Chacun va trouver ses propres méthodes et sa propre voie pour travailler sur son malaise et être et être plus dans la joie intérieure. Il y a plein de disciplines qui existent pour élever nos consciences et c’est à chacun de trouver sa discipline de cœur.
Doit-on aimer tout le monde?
Selon Vincent, oui. Ce n’est pas un devoir mais l’idée est de développer cette qualité d’amour envers les autres. On se doit de développer ces qualités d’amour, et pas seulement envers les humains, mais aussi envers tout ce qui est vivant. Ainsi que pour la Terre.
Ce qui compte c’est de se transformer soi même. La transformation de soi va créer une vibration autour de nous, qui va aider les autres personnes à également développer ces qualités d’amour et de bienveillance.
Aimer sans attendre en retour
C’est la même chose que le Karma yoga, qui est le yoga du service désintéressé : on attend pas les fruits de l’action. Comme dit précédemment, il faut cultiver l’amour de soi, l’amour de l’autre, la paix, la joie intérieure, la bienveillance, le contentement. Et cela toujours avec une intention pure et une motivation pure.
Si l’intention n’est pas pure, et qu’on aime quelqu’un dans le but d’avoir des retours, cela devient de la manipulation. C’est la même chose lorsqu’on effectue un acte de charité : on doit le faire pour venir en aide à l’autre et pas devenir célèbre.
Vincent nous cite un extrait du Grand Livre du Yoga :
« L’action n’est bonne ou mauvaise en elle-même, sa qualité dépend de sa motivation. Ainsi, si la charité est faite dans un but égoïste, de prestige ou de pouvoir, ne peut être considérée comme réellement bonne. »
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